Les Jardins de la Source ont vocation à être un lieu d’expérimentation d’une autre manière d’être au monde pratiquant un mode de vie qui tend vers l'autosuffisance et repose sur une volonté de partage, d’entraide et de mutualisation pour vivre de façon sereine et pérenne autour des valeurs fédératrices de solidarité, de coopération, de travail, de bienveillance et de sobriété heureuse.
Résolument ouvert à ceux qui partagent ces valeurs, ce lieu-ressource est animé par un collectif d’habitants et de bénévoles qui mobilisent leur énergie et leurs compétences au service du projet des Jardins formant une vraie ruche humaine.
Par leur manière de prendre soin du vivant et des vivants, ils sèment ainsi des graines de joie et d’espérance pour le monde de demain, tendant vers une écologie sociale et où chacun a sa place et où notre planète est préservée.
Alors que nous nous préparons à célébrer le 5ème anniversaire de l'ouverture du Lieu de Vie et d'Accueil le 28 mai 2022, l'heure est au bilan de ces premières années. Quelle aventure !! Si on nous avait dit, avant que l'on se jette à cœur perdu dans ce projet, ce qui nous attendait, jamais on ne se serait lancés ! Cela nous fait penser à cette citation attribuée à Marc Twain : "ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait". C'est tellement vrai ! En relisant le chemin parcouru, si on essaye de dégager des lignes de force, nous voudrions en retenir quelques unes, qui nous permettront aussi de tracer le sillon pour les années et les projets à venir...
Le premier ingrédient de tout ce que nous avons réalisé, c'est l'Amour. La conviction qu'il n'y a pas d'éducation sans amour, comme disait Jean Bosco, et que la seule manière d'accompagner les ados écorchés vifs qui nous sont confiés, c'est de les prendre par le bout du cœur. C'est une ligne de crête car on est toujours sur le fil du rasoir pour rester à sa juste place : il serait tellement facile de tomber dans des relations d'emprise ! Notre préoccupation constante d'éviter cet écueil nous a préservé et - a surtout préservé les jeunes placés chez nous ! Nous sommes convoqués à une forme de "chasteté relationnelle" : n'être ni dans la séduction, ni dans la possession. Cela veut dire consentir à ce que l'autre fasse son chemin, quel qu'il soit, et toujours être centré sur son intérêt à lui. Comment réussir à la fois à être très engagé dans nos relations d'accompagnement et très respectueux de la liberté de chacun ? La triangulation de l'équipe et la supervision de François, thérapeute systémique qui nous accompagne chaque mois en analyse de pratiques, sont essentielles pour y parvenir !
Le second pilier de notre réussite, c'est l'intelligence. Non pas qu'on soit plus malins que les autres , non : c'est juste qu'on ne s'arrête jamais de réfléchir, d'interroger, d'essayer de nouvelles postures, de nouveaux outils, de faire des liens avec d'autres domaines. Nous sommes des chercheurs en quête permanente de justesse, et cette exigence que nous avons à faire toujours mieux dans l'intérêt des jeunes confiés est sans conteste ce qui nous a permis d'aboutir à la pertinence du programme de remobilisation aujourd'hui, dont nous voyons tous les jours la puissance...
Savoir que l'on ne sait pas mais faire des hypothèses avec humilité nous nous empêche pas de faire des erreurs, mais "c'est en se plantant qu'on pousse", et en les reconnaissant et les analysant, on en tire des leçons pour progresser en permanence - faire ce qu'on demande à nos ados, n'est-ce pas la cohérence minimale qu'il nous faut avoir avec nous-mêmes ?
Le troisième trésor pour notre route, c'est le choix de la bienveillance. Littéralement, le choix de voir le bien, de regarder du coté de la ressource plutôt que du problème, du verre à moitié plein plutôt que du verre à moitié vide. Nous sommes toujours libres de choisir ce que nous VOULONS voir. C'est même notre première responsabilité, car de même que la parole est performatrice, le regard l'est aussi. "La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde" (O. Wilde ). Et nous faisons advenir ce que nous croyons : c'est ce qu'on appelle aussi l'effet pygmalion. Dites à un jeune que c'est qu'un imbécile violent, et il se hissera à la hauteur de vos projections.
Les pratiques narratives nous ont appris que "nommer, c'est ancrer" , ancrer une identité préférée, révéler une qualité que le jeune possède parfois à son insu, et permettre ensuite qu'il se l'approprie et puisse s'appuyer dessus. Repérer les belles perles que le jeune porte en lui, les célébrer (notamment lors de la fête d'envol), c'est offrir un terreau favorable pour qu'elles germent et qu'elles donnent du fruit !
Le quatrième facteur de succès, bien sûr, c'est le collectif. Le noyau des 3 associés salariés de notre SCOP (Krystel, Bertrand & Claire) qui porte, parfois à bout de bras, et à force de semaines à 115 heures, les accueils contre vents et marées. Mais depuis 2021, nous avons enfin la joie de compter sur une équipe élargie à 7 personnes, avec par ordre d'arrivée : Marie, Kévin, Maha, Anais & Myriam. Sans compter la communauté éducative élargie : les intervenants réguliers (Florence en équitation, Olivier en musique, Martin au Systéma...), les partenaires pour les semaines de stages (Xabi à la montagne, Bertrand à la voile, Sylvaine et Olivier à la musique, Amandine cette année au théâtre),
les bénévoles locaux ( Roland, Matthieu, Adeline, Félicia, Vanessa), et bien sûr, tous les touristes solidaires. Nous n'oublions pas non plus bien sûr le conseil des sages, qui nous soutient et nous permet de prendre du recul régulièrement : l'intelligence collective, quelle puissance ! Quelle merveilleuse aventure humaine !
Et s'il est vrai que nous sommes invités à être le changement que nous voulons pour le monde, alors on peut dire que notre communauté éducative élargie est invitée à vivre, pour elle-même, le chemin de croissance qu'elle propose aux jeunes. C'est une question de cohérence systémique et c'est la force de ce que nous proposons, la cohérence entre ce que l'on dit, ce que l'on fait et ce que l'on est. Un sacré défi qui nous bouscule et nous emmène loin de nos zones de confort. Mais n'est-ce pas ce que nous demandons aussi à nos garçons, qui ont tout quitté pour se donner une dernière chance et infléchir le cours de leur vie ? C'est la force du collectif qui nous permet de traverser cela, et des valeurs qui le sous-tendent. C'est cela, peut-être, la plus belle définition de ce que nous appelons la "famille de cœur" des Jardins de la Source. Une polyphonie où chacun doit trouver sa voix et l'ajuster en rentrant en lui même pour mieux vibrer avec le chœur et à son tour être soutenu par lui, dans une circulation continuelle du donner et du recevoir, dans laquelle circule l'amour lui-même. La boucle est bouclée !